samedi 17 décembre 2011

Traversée de l'Allier en crue

Certaines icônes orientales représente Saint-Christophe comme un ogre à tête de chien.
«…le symbolisme chrétien de l'homme-chien canidé-cannibale qui ne sait qu'aboyer mais qui, par sa conversion, gagne une âme et parle soudain «en langue », est également présent dans les légendes de Reprobus-Christophe, de Saint-Barthélemy (évangélisateur de l'Arménie) et de Saint-Mercure; il répond aux conceptions qui voient généralement dans les canidés des êtres du passage, des gardiens de la porte, et des intermédiaires entre nature et culture. Particulièrement utiles pour penser l'animalité de l'homme, ce sont aussi d'enragés propagateurs du message divin.» dans son blog consacré à Saint-Christophe.
http://lereprouve.blogspot.com/

Un premier essai de couleurs en digital pour le célèbre passeur.

«Le sauvage portait l’enfant, qui souriait gracieusement. Cet être difforme paradait immobile, les pieds dans la rivière et les yeux traversés par une lumière bleue qui l’appelait. La forêt avait permis ce pacte de survivance. Il était temps que le conte commence. Mais avant il fallait en finir avec l’histoire ancienne.

Il était une fois parmi les arbres et les chants de la terre, un endroit que seuls les derniers souffles du vent traversent. On y entendait des larmes mais on aurait pu chercher une éternité avant de trouver les yeux qui les versaient. L’eau des roches échangeait avec la brume des noms d’oiseaux. C’était un endroit triste et calme, une parenthèse d’ombres, un berceau. Là vivait le sauvage parmi les papillons.

L’enfant marchait seul depuis toujours. Il inventait son chemin à chaque pas. Il avait arrêté d’attendre alors la route s’était offerte à lui, à la vie qui battait dans son ventre, à cette faim de tout qui lui faisait oublier l’absence.  Il n’avait pas mangé depuis longtemps ce qui ne le tourmentait guère car pour lui, la mort n’était pas haïssable.  Certains enfants sont des hommes libres.
Il avait quitté la terre des sapins dont les branches à serpents claquaient des dents sur son passage. Il n’y avait pas de mal à faire cela, ces arbres centenaires se méfiaient des humains et de leurs haches. Il arrivait  maintenant dans un monde de pierres douces et lisses, immenses et nues, ou grouillaient des petits insectes bleus qui sont, parait-il, les créateurs de l’univers. Ce sont les insectes eux-mêmes qui le disent et leurs mâchoires d’or ne mentent pas.  L’enfant les admira aussi longtemps qu’il put mais un cliquetis délicat lui fit tourner la tête. Une femme à la beauté transparente lui tendait la main. La peau de son visage avait la clarté des sources mais alors qu’il s’approchait d’elle, il découvrit que son corps était fait de verre, d’un verre si pur que le plus pur des cristal n’en égalait l’éclat. Alors qu’il s’étonnait de cette main tendue, il avança très prudemment la sienne. Au moment où ils se touchèrent, il se trouva violemment englouti par un tourbillon d’eau glacée.
Son corps dérivait, tournoyait et des vagues immense le cernaient. Il s’efforçait de garder son calme et la tête hors des flots qui l’emportait sans qu’il ne puisse rien faire. Le froid commençait à mordre cruellement sa chair. Il en accepta le terrible augure.
C’est alors que les nuages se dispersèrent en milliers de papillons blancs qui vinrent se poser sur ses cheveux. Il s’envola ainsi hors du typhon et la femme de verre reprit sa forme séduisante. Dans le fond de son âme, elle pleura longtemps ce corps perdu mais elle attend toujours d’autres enfants pour s’en nourrir.
Le voyage dans le ciel dura si longtemps que l’enfant s’endormit, las des splendeurs du monde.

Il se réveilla dans le gîte du sauvage qui était assis sur un fauteuil aux barreaux de nuit. Sa maison n’avait un toit que les jours de pluie. Les papillons blancs dont le sauvage était le maître, se posaient sur les murs et écartaient leurs ailes de soie. Il y avait sur la table des pommes dorées qui attendaient malignement.  Il en prit une, la goûta et n’y devinant pas de trace de poison, il les engloutit toutes sauf une qu’il garda dans la main et de son autre main, il bénit le monde. Le sauvage le laissa faire.

Ils se regardèrent ainsi longtemps. Ils éprouvaient l’un pour l’autre le silence. L’enfant ne parlait pas et le sauvage ne savait que dire. Un chat entra puis après un instant de doute,  sortit. D’un regard, ils décidèrent qu’ils feraient la route ensemble. Le sauvage se leva, prit l’enfant dans ses bras et le jucha sur ses épaules de géant pour traverser la rivière. Quelques papillons virevoltaient.

Ce que j’ai vu, je ne le répèterai à personne. Imaginez ! On ne me croirait pas… Le sauvage portait l’enfant, qui souriait gracieusement.»
Texte de Thian